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Prise en charge réfractive de la presbytie – Dr N. MESPLIÉ

N. MESPLIÉ Espace Hélios Ophtalmologie, SAINT-JEAN-DE LUZ, PAU.

Dr Mesplié

RÉSUMÉ: La presbytie est un mécanisme naturel de notre organisme générant une perte du pouvoir accommodatif et impactant la qualité en vision de près. Si les évolutions technologiques ne nous permettent toujours pas de restaurer la dynamique d’une accommodation naturelle, les dernières avancées dans le domaine de la chirurgie réfractive nous permettent aujourd’hui de satisfaire nos patients dans une immense majorité des cas.

Les dernières plateformes lasers et l’offre pléthorique d’implants intraoculaires laissent envisager une customisation pour chacun de nos patients.

L’ accommodation est un mécanisme complexe dynamique mal connu [1] mettant en jeu
le cristallin, la zonule et les muscles ciliaires [2-4]. Dès notre plus jeune âge, ce mécanisme devient moins efficace pour devenir gênant dans notre quotidien en vision de près à partir de 40 ans [1]. Si la presbytie ne se corrige toujours pas, elle peut se compenser pardes lunettes, des lentilles ou encore de la chirurgie.
Les différentes avancées de la chirurgie réfractive dans ce domaine, développée à partir des années 2000, n’ont jamais cessé d’améliorer le confort des patients et nous permettent aujourd’hui d’envisager diverses stratégies thérapeutiques pour les satisfaire. Après avoir abordé les moyens de compensation de la presbytie, nous évaluerons les stratégies thérapeutiques à adopter en fonction du patient et de son amétropie associée.

Les différents moyens actuels pour compenser la presbytie

Nous disposons actuellement de 4 grands concepts optiques pour compenser la presbytie [1] :

1. La monovision: “les myopes ne sont pas presbytes” [5]

Bien évidemment, les myopes sont presbytes, mais le déplacement du point focal en avant de la rétine permet de facto aux myopes presbytes de voir de près sans lunettes. Au sens strict, la monovision dissocie les deux yeux avec un œil pour la vision de près et un œil pour la vision de loin. Cette solution s’est raffinée ces dernières années avec l’avènement des micromonovisions pour éviter des perturbations de la vision binoculaire qui apparaissent au-delà de 1,5 dioptrie [1, 6].

2. La multifocalité [1]

Ce concept a pour objectif de répartir la lumière entrante d’un système optique sur différentes focales. Cette multifocalité peut être réfractive, diffractive ou mixte. Les résultats visuels et la satisfaction des patients sont au rendez-vous mais, malgré les avancées notables du domaine industriel, cette technologie génère tout de même des phénomènes photiques ainsi qu’une déperdition lumineuse et des contrastes, qui seront d’autant plus marqués si les foyers sont nombreux et les additions sont fortes.

3. L’hyperasphéricité [1]

En modifiant la courbure d’une lentille du centre vers la périphérie, cela va permettre d’augmenter la profondeur de champ du patient en générant des aberrations sphériques. Ainsi, une modification de l’asphéricité de la cornée ou un implant hyperasphérique permettront dans une certaine mesure de compenser la presbytie.

4. Le sténopé [1]

En réduisant le diaphragme d’un système optique, cela permet une augmentation de la profondeur de champ. Cette technologie est proposée sous forme d’inlay intracornéen (avec les problèmes de biocompatibilité que l’on connaît[7]), d’implants intraoculaires sacculaires ou add on.

Fig. 1: Cornée hyperasphérique avec le laser excimer VISX (AMO) et multifocale avec le PresbyMax du laser Schwind.

Les règles de bases en chirurgie de la presbytie

Les divers concepts optiques peuvent être associés pour optimiser les résultats.
Ces concepts peuvent être réalisés soit en chirurgie cornéenne, soit en chirurgie cristallinienne.

En chirurgie cornéenne, il est assez courant de coupler une micromonovision à une hyperasphéricité ou une multifocalité. Les différentes plateformes de laser excimer proposent en effet des logiciels permettant des modulations de l’asphéricité cornéenne (par exemple le laser Allegretto d’Alcon) ou une réelle multifocalité (par exemple le PresbyMax de Schwind ou le Supracor de Bausch + Lomb ; fig. 1). Afin d’optimiser de telles solutions, il faudra tout de même prendre en compte en préopératoire certains aspects primordiaux comme l’accommodation résiduelle, le diamètre pupillaire, et l’angle entre l’apex cornéen et le centre pupillaire.

En chirurgie cristallinienne, des mix and match entre deux implants ayant des profils différents peuvent être choisis pour optimiser le confort du patient et utiliser les qualités intrinsèques de chaque implant (EDOF [extended depth of focus] et multifocal, multifocaux d’addition différente, multifocaux réfractifs et diffractifs).

Par ailleurs, on peut noter que les implants de dernière génération peuvent coupler divers moyens de compensation de la presbytie comme une hyperasphéricité et une multifocalité diffractive (fig. 2 à 7).

Fig. 2: Courbe de défocus du Symfony de Johnson & Jonhson, premier implant historique qualifié de EDOF.
Fig. 3: Courbe de défocus et résultats de l’Oculentis Comfort, implant réfractif bifocal d’une addition de +1,5 D qui était disponible avant le Symfony sur le marché.
Fig. 4: Caractéristiques de l’implant Zeiss AT Lara, implant EDOF ayant une optique diffractive trifocale avec deux faibles additions de +0,95 et +1,9 D.
Fig. 5: Courbe de défocus du Synergy de Johnson & Johnson, couplant les propriétés optiques de leur implant bifocal diffractif à celle de leur implant EDOF.
Fig. 6: Courbe de défocus d’un implant trifocal diffractif.
Fig. 7: Concept du mix and match en couplant deux implants multifocaux d’addition différente.

Une customisation pour chaque patient (fig. 8 et 9)

La chirurgie de compensation de la presbytie présente donc un degré de compromis que le patient doit comprendre et accepter. Néanmoins, les dernières avancées technologiques nous permettent une pris en charge chirurgicale sur mesure qui peut permettre de satisfaire la quasi-totalité des patients. À ce titre, la consultation préopératoire est le temps essentiel de la prise en charge car elle permet de dépister d’éventuelles contre-indications médicales à certaines procédures, d’évaluer les exigences, les habitudes et les activités du patient, et enfin d’appréhender les degrés d’amétropie associés à la presbytie.

Si cette chirurgie est devenue ultracustomisable, on peut néanmoins dégager quelques règles communes pour chaque patient.

1. En chirurgie cornéenne [1, 8-12]

Le premier traitement de la presbytie est celui de l’hypermétropie sur les deux yeux. La chirurgie cornéenne sera
d’autant plus efficiente que le patient possèdera une bonne accommodation résiduelle et que son réflexe “myosisaccommodation-convergence” sera important. Le Presbylasik multifocal devra être évité sur les grandes déviations entre l’apex cornéen et le centre pupillaire (angle classiquement appelé kappa). La monovision au-delà de 1,25 D induit une rupture de la fusion binoculaire, source d’insatisfaction du patient.

Toute chirurgie cornéenne réfractive aura, par opposition aux chirurgies cristalliniennes, une certaine durée de vie dont le patient devra être averti.

Fig. 8: Prise en charge personnelle des presbytes hypermétropes en 2021.

2. En chirurgie du cristallin clair [1, 13-17]

La chirurgie du cristallin clair expose au risque de décollement de rétine chez les jeunes myopes presbytes et doit donc être évitée chez les moins de 55 ans (attendre idéalement 60 ans).
L’intolérance à la multifocalité est rare et le premier motif d’insatisfaction des patients reste l’amétropie résiduelle, quelque soit le type d’implant choisi. Ainsi, une évaluation de l’acuité visuelle entre l’opération des deux yeux est de rigueur pour optimiser les chances d’emmétropisation, mais aussi afin d’ajuster le type d’implant premium sur le deuxième œil.

Le choix de l’implant (EDOF, multifocal ou mixte) est conditionné pour chaque patient par le rapport bénéfices-inconvénients de l’indépendance aux lunettes-phénomènes photiques. Si les implants EDOF permettent de réduire grandement les phénomènes photiques et la perte des contrastes, ils n’égalent pas les implants multifocaux sur la courbe de défocus et ne permettent pas une indépendance totale aux lunettes.

3. L’implantation phaque [18, 19]

Cette approche intellectuellement satisfaisante n’est pour le moment quasiment pas utilisée en pratique courante du fait d’implants qui se sont révélés soit inefficaces, soit mal supportés.
L’avènement de nouveaux implants phaques ICL EDOF et IPCL trifocaux va peut-être permettre le développement de cette technique bien que, dans notre expérience personnelle, nous avons été déçus des essais réalisés avec l’IPCL trifocal. Nous réservons donc pour notre part les implants phaques aux myopes forts presbytes en réalisant le plus souvent une monovision.

Le futur dans la prise en charge de la presbytie [1, 20-25]

En chirurgie cornéenne, deux avancées sont à prévoir prochainement. La première est le développement du Smile pour le traitement de l’hypermétropie et, par voie de conséquence, de la presbytie. La seconde consiste en une chirurgie additive réversible avec une allogreffe stromale cornéenne centrale permettant une modification de la courbure cornéenne.

En chirurgie cristallinienne, l’offre dorénavant pléthorique et extrêmement concurrentielle des implants premiums a pour objectif de réduire les inconvénients bien connus de la multifocalité, soit en réduisant les phénomènes photiques (implants EDOF), soit en permettant un meilleur continuum visuel (implants trifocaux, réfractifs sectoriels ou encore mixtes couplant technologie EDOF et multifocal).
Néanmoins, la meilleure approche pour percevoir la prise en charge réfractive de la presbytie de demain est sans aucun doute d’envisager une restauration ad integrum de l’accommodation du cristallin. Après des essais prometteurs mais non reproductibles d’impacts laser femtoseconde sur le cristallin, les chercheurs tentent la voie de la nanotechnologie
pour redonner de l’élasticité au cristallin.

Dans le même temps, l’industrie implantologique redouble d’efforts pour développer des implants dynamiques accommodatifs. Pour le moment, ces nouveaux implants se heurtent à des problèmes non résolus : incisions cornéennes trop larges pour être compatibles avec une chirurgie réfractive, fibrose dans le sac capsulaire rendant le dynamisme inefficace, résultats non reproductibles.

Conclusion

Durant ces 10 dernières années, c’est dans la prise en charge de la presbytie que la chirurgie réfractive s’est le plus développée. Les profils d’ablation cornéenne sont mieux compris et nous permettent d’optimiser nos résultats. Si les implants premiums ne sont pas encore
démocratisés en France (seulement 4 % de pose d’implant premium dans
la chirurgie de la cataracte en 2020), le développement et la multiplicité des implants devraient permettre à chaque patient (mais aussi chaque chirurgien) de trouver “chaussure à son pied”.

POINTS FORTS

En 2021, la prise en charge réfractive de la presbytie consiste en une compensation de la disparition de ce processus dynamique par différentes stratégies optiques : myopisation, multifocalité, hyperasphéricité et sténopé.

Si cette chirurgie demande encore quelques compromis, elle donne néanmoins d’excellents résultats et est devenue ultracustomisable en 2021.

Les nombreuses avancées en implantologie et en profil d’ablation cornéenne nous permettent d’optimiser nos résultats pour répondre aux attentes spécifiques de chaque patient.

N. MESPLIÉ 

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