Chirurgie du cristallin clair : une nouvelle vie réfractive après le PresbyLASIK – N. MESPLIÉ

LDr Mespliées patients opérés de PresbyLASIK ont manifesté le désir de ne plus porter de lunettes lors de l’apparition de leur presbytie. Quelques années plus tard, lorsque la presbytie évolue et/ou que le presbylasik régresse, ces patients vont se retrouver dans une situation similaire à celle connue quelques années auparavant… La solution du Prelex (chirurgie du cristallin clair) devient donc une suite cohérente et plus définitive chez ces patients… (fig. 1).

Les PresbyLASIK

La terminologie du PresbyLASIK [1-2] (fig. 2) est très largement suremployée lorsqu’une chirurgie photo-abla- tive est utilisée à l’âge de la presbytie. En pratique, la chirurgie cornéenne de la presbytie repose sur le trépied hyperasphéricité, multifocalité et myopisation; il existe donc un pléiomorphisme topographique suivant la technique utilisée. Avant d’envisager toute chirurgie du cristallin clair, il s’agit d’analyser le profil cornéen afin de choisir au mieux le type d’implant pour la chirurgie du cristallin clair. Nous évoquons les PresbyLASIK correctement réalisés sans décentrement ou complications opératoires…

1. La monovision

  • Traitement myopique

La cornée devient oblate et le traitement photo-ablatif peut induire des aberrations sphériques positives susceptibles de dégrader la qualité visuelle. De ce fait, les profils d’ablation modernes ont opté pour une induction minime voire inexistante de profondeur de champ avec de grandes zones optiques. Pour le calcul biométrique, cette cornée oblate posera les problèmes, connus, de précision réfractive. Dans ce contexte, les formules spécifiques telles que la Barett suite ou la haigis-L, l’utilisation de l’intelligence artificielle avec la formule Pearls, ou encore l’utilisation du site de l’ASCRS permettront d’optimiser les précisions réfractives [3-5].

  • Traitement hypermétropique

Chez les patients hypermétropes, le chirurgien a opté pour un traitement hypermétropique pur avec un degré de myopisation. Le profil d’ablation périphérique hyper- métropique est inducteur d’hyperasphéricité, et ce d’au- tant plus que l’hypermétropie est importante. Cette hyperasphéricité induite sera pourvoyeuse d’une aug- mentation de profondeur de champ qui viendra s’ajouter à un degré de myopisation. La cornée reste prolate (voire hyperprolate) et si le traitement photo-ablatif est correctement centré et la zone optique suffisamment large (induisant un “plateau” de pouvoir réfractif équivalent), il n’y aura, dans ce contexte, que très peu de précaution à prendre pour le calcul biométrique et pour la qualité visuelle.

2. Le PresbyLASIK hyperasphérique

Pour les hypermétropies, le chirurgien opte pour un traitement photo-ablatif qui induit une hyperasphéricité se rajoutant à l’asphéricité induite par le traitement hypermétropique. En pratique, la cornée présente alors une zone optique à pouvoir réfractif équivalent plus réduite, avec une zone de transition très douce qui induit davantage de profondeur de champ qu’un traitement classique. Sur certaines plateformes (Wavelight, par exemple), la zone centrale cornéenne reste encore théoriquement suffisamment large (> 4 mm) pour ne pas induire de difficultés biométriques et ne pas dégrader de manière significative la qualité visuelle. Sur d’autres plateformes, la zone hyperasphérique est très centrale (VisX, par exemple) et simule un profil multifocal avec les mêmes avantages et les mêmes problématiques (voir ci-dessous)…

Pour le traitement myopique, certains chirurgiens optent aussi pour une induction d’hyperasphéricité (qui va, dans un premier temps, compenser les aberrations positives). Nous n’avons pas retrouvé d’études scienti- fiques solides permettant d’évaluer une hyperasphéricité induite sur un traitement myopique (et nous n’en avons pas l’expérience). Cependant, on peut penser que la précision biométrique réfractive dépendra, là encore, de la zone centrale qui aura un pouvoir réfractif central…

3. Le PresbyLASIK multifocal

Dans ce contexte, la zone centrale sur les 2 mm présente des pouvoirs réfractifs différents plus ou moins importants suivant les laboratoires et les options choisies par le chirurgien. Ces pouvoirs réfractifs différents seront d’au- tant plus marqués si le traitement photo-ablatif associé est myopique. Il s’agit des profils les plus efficaces pour compenser la presbytie mais qui incitent aussi à prendre plus de précautions. Ces profils photo-ablatifs peuvent en effet être générateurs d’aberrations comatiques en cas de grand angle Kappa, d’aberrations sphériques négatives importantes, voire de myopisation en cas de petites pupilles. Lors d’une chirurgie cristallinienne, le calcul biométrique peut s’avérer complexe malgré les bio- mètres OCT. Par chance, lorsque l’heure d’une chirurgie cristallinienne est venue, il n’est pas rare que la multi- focalité centrale ait régressé par hyperplasie épithéliale et que le calcul biométrique devienne plus facile…

Les options en Prelex après PresbyLASIK

La chirurgie du cristallin clair (fig. 3) doit être évoquée lorsque le patient a plus de 55 ans, que sa presbytie est prononcée ( > 2,25 D) et que le patient est dans une démarche plus définitive…

1. La monovision

La monovision est une option plausible en chirurgie du cristallin. Compte tenu du panel d’implants disponibles, il n’y a plus d’intérêt à réaliser une monovision avec des implants monofocaux, excepté si l’on craint pour la qualité visuelle. En effet, pour permettre une bonne vision de près, une myopisation importante sur l’œil dominé devra avoisiner les 2 dioptries, ce qui aura pour conséquence une pénalisation non négligeable en vision de loin, une vision intermédiaire médiocre et une rupture de la vision binoculaire. En cas de monovision, il faudra donc naturellement s’orienter sur des implants monofocaux plus ou des implants EDOF qui permettront de réduire la myopisation sur l’œil dominé, d’améliorer la vision binoculaire ainsi que la vision de loin et la vision intermédiaire sans négliger la vision de près.

2. La multifocalité

La multifocalité reste la stratégie de première intention en chirurgie du cristallin clair chez les patients désirant une indépendance à la correction optique. Malgré les inconvénients connus de la multifocalité avec les phénomènes photiques et la perte de contrastes, en 2023 cette option reste choisie pour son efficacité par de nombreux chirurgiens…

3. La profondeur de champ

Les implants EDOF prennent une place de plus en plus importante dans l’arsenal thérapeutique de la chirurgie du cristallin. Initialement positionnés dans la chirurgie de la cataracte, ces implants sont dorénavant choisis par un nombre croissant de chirurgiens en cristallin clair. S’ils ne permettent pas une indépendance complète aux corrections optiques sans un degré de monovision, ils réduisent significativement les phénomènes photiques et permettent une vie courante sans lunettes.

 

Les particularités du Prelex en cas d’antécédent de PresbyLASIK

1. La difficulté de la biométrie

À la suite du “pseudo-PresbyLASIK” sans hyperasphéricité et sans multifocalité, le calcul biométrique (fig. 4) présente peu de difficultés. Les formules biométriques optimisées permettent d’obtenir des résultats fiables pour envisager les implants les plus raffinés qui nécessitent une bonne précision réfractive [3-6].

Pour les PresbyLASIK hyperasphériques, la problématique n’est classiquement pas plus difficile si la zone centrale cornéenne sur 4 mm présente un pouvoir réfractif constant. Il faudra utiliser les mêmes formules que dans les LASIK conventionnels. Si la zone hyperasphérique est très centrale, alors la situation est relativement similaire aux profils multifocaux…

En effet, la problématique du calcul d’implant sur des PresbyLASIK multifocaux qui n’ont pas régressé existe. La zone cornéenne centrale n’a pas de valeur réfractive constante et le risque d’imprécision réfractive est réel. Il conviendra sans doute de choisir des implants qui auront une certaine tolérance à l’imprécision réfractive et, dès lors, de se servir du résultat réfractif du premier œil (dominé) pour optimiser la précision du second œil (dominant). Dans le pire des cas, une retouche réfractive photo-ablative pourra être envisagée avec des résultats satisfaisants… [7].

2. La qualité visuelle

En 2023, les traitements conventionnels photo-ablatifs [8] ne dégradent que très peu ou pas la qualité visuelle des patients [2].

Un PresbyLASIK hyperasphérique doit respecter un degré d’induction d’aberrations sphériques négatives maximales pour ne pas dégrader le pouvoir discriminatif et la vision des contrastes. Dans ce contexte, il faudra prendre garde à analyser l’hyperasphéricité cornéenne et le diamètre pupillaire avant de choisir un implant avec une hyperasphericité pouvant dégrader la qualité visuelle…

Outre des aberrations sphériques négatives peu néfastes, un PresbyLASIK multifocal peut générer des aberrations comatiques si le traitement n’est pas parfaitement centré sur l’apex et/ou si le traitement hyperprolate central est plus petit que le diamètre pupillaire…

Quoi qu’il en soit, si l’analyse aberrométrique et topographique présente des imperfections engendrant une insatisfaction ou des troubles fonctionnels pour le patient, cela incitera à la plus grande prudence sur le choix de l’implant, qui devra sans aucun doute être monofocal. Dans les faits, cette situation est rarissime chez des patients généralement satisfaits de leur PresbyLASIK. Raison pour laquelle ces derniers reviennent pour une nouvelle chirurgie…

Quels implants choisir sur un Prelex avec antécédent de PresbyLASIK ?

En pratique courante, à l’heure de la chirurgie du cristal- lin clair (fig. 5) chez les patients opérés de PresbyLASIK, il est classique de retrouver une régression partielle des profils photo-ablatifs, notamment multifocaux. Si la topographie montre un profil d’ablation bien centré, que la carte aberrométrique retrouve des aberrations cornéennes faibles et si le calcul biométrique (idéalement par OCT pour avoir une mesure centrale convenable) semble fiable, il paraît tout à fait raisonnable d’être ambi- tieux et d’envisager un Prelex avec des implants multi- focaux. De notre point de vue, l’hyperasphéricité ou la multifocalité cornéenne résiduelle doit permettre d’obtenir une bonne vision intermédiaire en cas d’emmétropie ; nous nous orienterons alors en première intention sur des implants bifocaux plutôt que trifocaux.

En cas de doute sur la topographie, ou s’il y a un doute sur la précision réfractive, une micromonovision aménagée avec des implants à profondeur de champ (EDOF) ou monofocaux plus pourra être proposée. Il faudra prendre garde à ne pas induire trop d’aberrations sphériques négatives pour ne pas dégrader la qualité visuelle.

Enfin, en visant l’emmétropie, les implants EDOF doivent être proposés si les patients acceptent de reporter des lunettes de près. Là encore, si ces implants génèrent peu de phénomènes photiques, il faudra prendre soin de ne pas induire trop d’aberrations sphériques négatives si l’on choisit les implants avec hyperasphéricité centrale… Dans les faits, la situation pour laquelle nous optons pour des implants EDOF en visant l’emmétropie existe rarement chez ces patients qui présentent souvent une exigence particulière en vision de près et qui, dans une immense majorité des cas, ont encore une bonne vision intermédiaire à l’heure de la chirurgie du cristallin clair.

Conclusion

La chirurgie du cristallin clair est une proposition cohé- rente pour les patients déjà opérés de PresbyLASIK quelques années auparavant et pour qui la chirurgie photo-ablative n’est plus suffisante…

Dans une grande partie des cas, la multifocalité restera la meilleure option, avec des résultats très satisfaisants… Quand le cas présente plus de doute, pour la qualité visuelle et pour la précision réfractive, une micromonovision avec des implants à meilleure tolérance réfractive pourra être une bonne alternative, en prenant soin de pas induire trop d’aberrations optiques négatives…

Bibliographie

1. shettY r, brar s, sharMa M et al. PresbyLASIK: A review of PresbyMAX, supracor, and laser blended vision: principles, plan- ning, and outcomes. Indian J Ophthalmol, 2020;68:2723-2731.

2. varGas-FraGOsO v, aliO Jl. Corneal compensation of presbyopia: PresbyLASIK: an updated review. Eye Vis (Lond), 2017;4:11.

3. anders P, anders lM, barbara a et al. Intraocular lens power cal- culation in eyes with previous corneal refractive surgery. Ther Adv Ophthalmol, 2022;14:25158414221118524.

4. KarMiris e, GartaGanis Ps, ntravalias t et al. Agreement between swept-source optical biometry and Scheimpflug-based tomo- graphy in eyes with previous myopic refractive surgery. Saudi J Ophthalmol, 2022;36:229-236.

5. Patel P, ashena z, vasavada v et al. Comparison of intraocular lens calculation methods after myopic laser-assisted in situ kera- tomileusis and radial keratotomy without prior refractive data. Br J Ophthalmol, 2022;106:47-53.

6. vriJMan v, van der linden JW, van der Meulen iJe et al. Multifocal intraocular lens implantation after previous hyperopic corneal refractive laser surgery. J Cataract Refract Surg, 2018;44:466-470.

7. MaYOrdOMO-Cerda F, OrteGa-usObiaGa J, bilbaO-CalabuiG r et al. Laser corneal enhancement after trifocal intraocular lens implan- tation in eyes that previously had photoablative corneal refractive surgery. J Cataract Refract Surg, 2022;48:790-798.

8. GershOni a, MiMOuni M, livnY e et al. Z-LASIK and Trans-PRK for correction of high-grade myopia: safety, efficacy, predictability and clinical outcomes. Int Ophthalmol, 2019;39:753-763.

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