Des défis humains, techniques,technologiques, financiers – Dr L. GAUTHIER

Dr GauthierLes avancées technologiques, les changements réglementaires et les pressions économiques façonnent le paysage médical. Nos pratiques professionnelles évoluent donc constamment. L’ophtalmologie se trouve au croisement particulièrement important entre le savoir- faire médical traditionnel et une approche entrepreneuriale qui s’intensifie sous l’influence de nos interactions professionnelles variées, comme celles avec d’autres professionnels de la santé, des industriels, des établissements de soins ou encore face à la réglementation étatique omniprésente.

Nous vivons dans un monde dominé par le consumérisme, qui nous incite à reconsidérer notre rôle et notre positionnement. C’est dans cette optique que ce nouveau numéro de la revue Clinique de la Vision a été conçu. Il a pour objectif de couvrir ces différentes perspectives. Les défis juridiques et organisationnels occupent une place prépondérante. Ils mettent en lumière le fait que notre travail quotidien s’apparente désormais autant à celui d’une entreprise qu’à un cabinet médical traditionnel, avec ses outils et son autonomie professionnelle.

Notre structure professionnelle s’est complexifiée. Elle combine d’importants investissements en équipements, une équipe de soutien administrative et paramédicale souvent salariée, des obligations immobilières et la nécessité de travailler en groupe. Cela nous a orientés vers un modèle d’exercice en société. Ce modèle soulève immédiatement des questions d’associés, de capital, de gestion. Il introduit l’idée d’une valeur intrinsèque de la société, distincte – bien que étroitement liée – à la pra- tique des médecins qui y exercent. Ajoutez à cela le défi de transmettre nos connaissances et nos pratiques à une nouvelle génération moins attirée par certaines spécia- lités, comme la chirurgie réfractive, peu couvertes par l’enseignement universitaire, et vous avez une recette parfaite pour l’intervention d’acteurs non médicaux dans notre domaine.

La réglementation a ouvert la porte aux investisseurs financiers dans certaines sphères du médical. Cela met en lumière les risques d’une financiarisation excessive. Même si cette inquiétude a été reconnue par les autori- tés, il reste à trouver le juste équilibre pour protéger l’in- térêt général, celui des patients et celui des praticiens. Auparavant bien délimitée, la chirurgie réfractive évo- lue actuellement et s’introduit dans des pratiques plus larges comme celle la chirurgie de la cataracte, pour laquelle le patient cherche de plus en plus à se libérer des contraintes des corrections optiques.

Nous nous trouvons à un moment décisif, celui de réé- valuer le véritable intérêt de technologies autrefois célé- brées comme essentielles et prépondérantes dans notre domaine. Parmi celles-ci, l’analyse du front d’onde (Wavefront) se démarque. Présentés il y a quelques années comme une révolution incontournable, sa place et son impact réel sont aujourd’hui questionnés. Afin de mener cette réflexion, ce numéro revêt une approche pragmatique en donnant la parole à des experts nationaux reconnus. Leur expérience quotidienne et leurs observations fournissent un éclairage précieux sur la pertinence et l’utilité actuelle de cette technologie dans la pratique de la chirurgie réfractive. En écoutant ceux qui l’utilisent ou ont décidé de se passer de l’analyse Wavefront, nous pouvons dresser un portrait plus fidèle de son rôle effectif dans l’amélioration des résultats chirurgicaux pour les patients. Ce dialogue ouvert avec les professionnels de terrain permet de mesurer l’efficacité de cette technologie et d’envisager son avenir dans notre arsenal thérapeutique.

Depuis environ une décennie, le monde de la chirurgie ophtalmologique a été le théâtre d’une évolution notable: l’émergence d’une alternative au LASIK grâce à la technique de l’ablation lenticulaire. Jadis, cette méthode relevait du domaine exclusif d’équipements provenant d’un unique fabricant, créant de facto une sorte de monopole technologique. L’introduction de nou- veaux appareils exploitant ce même principe chirurgical présentés par ailleurs dans cette revue pourrait ouvrir des horizons prometteurs. Elle nous invite à dépasser la vision restreinte liée à la propriété exclusive de cette technologie et permet une appréciation plus objective de son apport au champ de l’ophtalmologie.

Dans cette quête de compréhension, nous avons choisi, là aussi, de nous tourner vers ceux qui manipulent ces technologies au quotidien. Leur expérience nous offre un aperçu précieux de la place occupée par la chirurgie len- ticulaire dans le spectre plus large de leurs interventions. De plus, ces rencontres enrichissantes nous permettent de saisir les perspectives de cette technique, d’autant plus intéressantes que l’accès à ces équipements spéci- fiques devient moins restreint.

Les implants phaques ont acquis depuis longtemps leurs lettres de noblesse comme solution adaptée à des amétropies plus importantes que celles facilement traitées au niveau de la cornée ou dans des cas où cette dernière n’est pas favorable à un remodelage par photo-ablation. Les implants à fixation irienne ont largement perdu la part qu’ils avaient en raison essentiellement d’un besoin de surveillance peu compatible avec les contraintes acceptées de la population. Raison pour laquelle les implants précristalliniens ont pris le dessus avec une offre qui ne se limite plus à un seul modèle d’une seule compagnie. Nous verrons à quels nouveaux défis notre utilisation de ce type d’implant est confrontée.

L’avènement des techniques de photo-ablation et du LASIK, il y a presque trente ans, a marqué un tournant dans notre pratique et a attiré un grand nombre de patients. Des décennies plus tard, ceux qui ont béné- ficié de ces procédures reviennent vers nous, porteurs de nouveaux défis réfractifs ou confrontés à des cata- ractes nécessitant une attention particulière. Face à cela, l’expertise des chirurgiens de segment antérieur est plus que jamais sollicitée pour élaborer des traitements adap- tés. Elle s’appuie sur des calculs d’implant toujours plus précis et un choix plus vaste d’implants qui répondent à des besoins optiques complexes. L’éventail déjà large des caractéristiques optiques se trouve considérablement enrichi par la coexistence de deux systèmes optiques, chacun se distinguant par ses comportements uniques. Cette diversité offre une palette de possibilités et de combinaisons inédites. Elles permettent une personnalisation encore plus poussée dans le choix des solutions optiques pour répondre aux besoins spécifiques de chaque patient.

Parallèlement, nous faisons face à une demande croissante d’amélioration optique et de ré-intervention due à l’évolution des besoins réfractifs de patients déjà opérés. Nous avons choisi là aussi de donner la parole à des praticiens pour mieux comprendre comment diverses techniques s’intègrent dans cette dynamique.

La prise en charge du kératocône représente désormais un domaine bien à part, qui exige du praticien qu’il évalue et organise attentivement son plan de traitement face à une variété de techniques disponibles.

En dessous de nos activités principales, certaines innovations cherchent à changer la perception de la couleur de l’iris, ajoutant une nouvelle dimension à notre activité.

Notre spécialité évolue. Elle s’appuie sur un large éven- tail de techniques qui doivent trouver leur juste place dans notre pratique. Nous sommes à un moment au cours duquel l’intégration des différentes étapes du processus de prise en charge et l’apport de l’intelligence artificielle joueront un rôle de plus en plus central dans notre quotidien.

Tout au long de ces pages, se dévoile le portrait d’une profession en pleine mutation. Il souligne notre engagement à l’excellence et à la progression, avec un focus indéfectible sur le patient, qui reste au centre de notre mission malgré le tumulte ambiant.

Visya – www.cliniquedelavision.com

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