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Le calcul d’implant : le nerf de la guerre de la chirurgie de la cataracte – Dr L. GAUTHIER

L. GAUTHIER – Espace Hélios, Layatz II, SAINT-JEAN-DE-LUZ. 

Dr Gauthier

La reproductibilité de notre geste chirurgical ayant considérablement diminué l’aléa interventionnel, l’exactitude de la puissance de la lentille intraoculaire posée devient le paramètre crucial le plus difficile à contrôler. Cela est d’autant plus vrai que les implants Premium, en particulier multifocaux, rendent l’emmétropie nécessaire et ce d’autant plus que l’objectif réfractif est de plus en plus un moteur décisionnel pour le patient et différentiant pour le praticien.

Les examens biométriques sont aujourd’hui d’une reproductibilité très importante avec, en particulier, l’apparition et le raffinement des biomètres optiques utilisant l’interférométrie laser. 

La source majeure d’erreur de calcul d’implant n’est donc plus aujourd’hui l’exactitude des données biométriques mais plutôt l’utilisation d’une formule inadaptée. 

Les calculs théoriques normalement source d’une excellente prédiction mathématique sont parfois pris en défaut par un déficit de prédiction de la position de l’implant (ELP: Exact Lens Position), laquelle est le facteur différentiant des diverses formules.

Les formules de calcul de l’équivalent sphérique de l’implant

1- Les formules de régression

Elles ont été établies de manière rétrospective et statistique à partir des éléments biométriques.

La formule SRK développée par Sanders, Retzlaff, Craft ne prenait en compte, pour le calcul de la puissance de l’implant, que la longueur axiale et la kératométrie.

Cette formule était P = A-2.5 L-0.9K

La constante A le plus souvent située entre 117.5 et 120 était censée représenter l’impact de la position de l’implant dans l’œil, plus cet implant était postérieur, plus la constante de l’implant devait être importante. Cette formule simple pou- vant être calculée “à la main” a été utilisée pendant la pre- mière décennie de l’implantation intraoculaire mais s’est montrée imprécise dès que l’on s’éloignait d’une certaine norme d’œil.

2. Les formules théoriques

Elles utilisent un modèle d’œil simplifié. Elles diffèrent essentiellement par les moyens utilisés pour extrapoler l’ELP. Les formules théoriques de première génération reposant sur les formules de vergence n’utilisaient que la valeur longueur axiale pour prédire la profondeur de chambre antérieure, cela était par exemple les formules de Hoffer et Binkhorst.

Les formules théoriques de troisième génération : leur chef de file est la formule SRKT laquelle utilise, dans le cadre d’une formule très sophistiquée, le couple kératométrie et longueur axiale pour prédire la position de l’implant.

Il existe au sein de cette formule deux sous-groupes pour des longueurs axiales supérieures ou inférieures à 24,4 milli- mètres. Cette formule est intégralement publiée mais ne peut se résumer à une équation simple et elle nécessite un logiciel pour la mettre en œuvre (fig. 1).

Il s’agit toujours aujourd’hui de l’une des formules leader en raison de la transparence des calculs effectués et de la bonne reproductibilité de ses résultats.

La formule de Hoffer Q intègre un mode de prédiction dif- férent de l’ELP et serait adaptée selon la plupart des auteurs pour des globes oculaires courts (fig. 2).

La formule de Haigis introduit un paramètre supplémentaire pour estimer l’ELP: c’est la profondeur de chambre antérieure mesurée. La kératométrie n’est ici plus utilisée pour extrapoler la profondeur de chambre antérieure, laquelle étant directement mesurée par le Iol Master. Cette formule incomplètement publiée est intimement liée à ce dispositif. Elle serait plus adaptée à des kératométries s’éloignant des valeurs moyennes. Cependant, elle ne donne pas, sur l’en- semble du spectre biométrique, des résultats significative- ment supérieurs à la SRKT qui utilise pourtant une donnée biométrique de moins.

La formule de Olsen intègre un quatrième paramètre, à savoir, l’épaisseur du cristallin et ce en présupposant que l’implant vient se positionner au niveau de l’équateur du cristallin. Seuls les biomètres optiques de dernière génération sont capables de mesurer cette épaisseur, cette formule n’a pour l’instant été utilisée que sur le Lenstar.

L’intelligence artificielle et les raffinements statistiques liés au big data vont très rapidement venir bousculer ces classifications et formules établies depuis de nombreuses années. En effet, les retours d’expérience en utilisant ces formules vont permettre d’améliorer leurs résultats par des biais purement statistiques. On comprend, qu’en ophtalmologie comme ailleurs, la maîtrise des données constitue “l’or noir” de demain.

En pratique, on recommande aujourd’hui d’utiliser systématiquement des quadri-formules où, pour une biométrie don- née, le résultat des quatre formules principales (par exemple SRKT, Haigis, Hoffer Q et Holladay voir SRK II) est affiché (fig. 3).

Sur des yeux standards, la différence de résultats est en géné- ral très faible mais, en dehors de ces valeurs habituelles, une comparaison du résultat des différentes formules peut être intéressante, le praticien pouvant pondérer l’une par rapport à l’autre.

Dans tous les cas, la constante de l’implant devra être secondairement optimisée. Cette procédure consiste à introduire dans le logiciel du biomètre les résultats réfractifs quelques semaines après la pose. Ce dernier va alors recalculer la constante afin que la moyenne des résultats obtenus soit emmétropisante. Cette procédure parfois présentée comme l’introduction d’une constante personnalisée pourrait au contraire représenter une manière d’étalonner son biomètre a posteriori.

En attendant d’utiliser une constante personnelle optimisée et en l’absence de confiance en la constante fournie par le laboratoire, on pourra utiliser une constante issue de la consultation du site ULIB où divers utilisateurs publient leur propre constante.

fig.3

3. Les formules après chirurgie réfractive cornéenne

Tout le monde le sait, les résultats post-chirurgie réfractive cornéenne sont très mauvais si on n’utilise pas de formules particulières.

Diverses raisons concourent à ces erreurs réfractives :

– la mauvaise appréciation de la puissance cornéenne cen- trale laquelle est en général mesurée sur un cercle entre 2,2 et 3,2 mm du centre sous estimant ainsi, la plupart du temps, la variation kératométrique induite par la chirurgie cornéenne ;

– l’extrapolation, à partir de la kératométrie et de la profondeur de chambre antérieure, est prise en défaut. En effet, cette dernière est basée sur le principe de la flèche cornéenne, laquelle présuppose qu’une cornée plus plate est associée à une profondeur de chambre antérieure plus faible. Après chirurgie réfractive myopique, la kératométrie est abaissée sans que cette flèche cornéenne soit modifiée ; la longueur de l’œil est modifiée et en particulier la distance cornée implant est modifiée en raison de l’amincissement de la cornée en cas de chirurgie myopique. Cet élément inter- vient également dans les calculs.

En pratique, si l’on veut utiliser la SRKT, il faudra utiliser la formule double K de Aramberri qui utilise la kératométrie antérieure à l’intervention cornéenne pour prédire la position de l’implant et la kératométrie postopératoire pour le calcul de vergence. Il convient, à tout prix, dans ces cas là, de pros- crire l’utilisation de la SRKT conventionnelle.

La Haigis L est une formule dérivée de la formule de Haigis conventionnelle où la puissance cornéenne centrale est extrapolée à partir d’une base de données de 40 yeux ayant bénéficié d’une chirurgie myopique et/ou l’affinement cornéen est “forfaitisé” sur une base de 120 microns. La profondeur de chambre antérieure n’étant plus extrapolée mais mesurée n’est pas impactée par le changement kératométrique. 

De nombreuses autres formules moins diffusées existent et sont disponibles en général sur le site des sociétés savantes. Là aussi, l’irruption du big data va à très court terme boule- verser nos habitudes.

Les formules de calcul du cylindre de l’implant

Initialement, le calcul du Tore de l’implant se résumait à la projection de l’astigmatisme antérieur cornéen à la sur- face de l’implant intraoculaire rectifié d’un éventuel astig- matisme chirurgicalement induit (calculateurs en ligne des laboratoires).

Les résultats des implants toriques ont certes montré une amélioration considérable des résultats réfractifs cylindriques par rapport aux implants sphériques associés ou non à des incisions cornéennes relaxantes mais ont révélé une certaine irrégularité des résultats qui nous ont conduit à nous interroger sur l’origine de ces derniers.

Les résultats statistiques ont révélé une sur-correction de la compensation des astigmatismes conformes et une sous-cor- rection des astigmatismes inverses. Cela a remis en évidence l’ existence d’ un astigmatisme cornéen antérieur, conforme physiologiquement venant compenser un astigmatisme interne inverse.

Le nomogramme de Baylor intègre pour des astigmatismes inverses et conformes cet astigmatisme interne mais seuls les calculateurs intégrant un calcul vectoriel permettent théorique- ment de calculer ces astigmatismes sur des axes obliques (fig. 4). Le plus populaire de ces calculateurs est le calculateur de Barrett.

C’est ainsi que les calculateurs en ligne offrent dorénavant aux médecins la possibilité de calculer le cylindre de leur implant intraoculaire en prenant en compte ou non un astig- matisme interne extrapolé (fig. 5).

Le problème de ces calculateurs est qu’ils appliquent une règle de calcul vectoriel non transparente dont on ne peut valider le bien fondé. Nous sommes typiquement en face du principe de la boîte noire qui a tendance à se répandre dans le domaine des calculs biométriques.

La mesure directe de la face postérieure de la cornée, que ce soit par des moyens tomographiques ou basés sur l’OCT, pourrait logiquement être intégrée à ces calculs et remplacer avantageusement les extrapolations. Les études rétrospectives valident la supériorité de l’extrapolation par rapport à la mesure directe objectivant probablement l’imprécision de la mesure de la face postérieure (fig. 6).

Là aussi, l’irruption du big data viendra perturber des habitudes en augmentant notre dépendance à des systèmes plus ou moins opaques.

Conclusion

Le calcul d’implant est aujourd’hui un challenge plus difficile à relever que le simple recueil de données biométriques lequel est de mieux en mieux des appareillages toujours plus divers et plus reproductibles. La dimension statistique fait irruption dans un champ précédemment occupé par des raisonnements purement optiques. En cela, il s’intègre dans une évolution tout juste débutante associant richesse des bases de données, big data et Intelligence Artificielle.

L. GAUTHIER – Supplément à Réalités Ophtalmologiques n° 251 • Avril 2018 • Saison 10

Pour en savoir plus :

• ArAmberri J. Intraocular lens power calculation after corneal refractive surgery: double K method. J Cataract Refract Surg, 2003; 29:2063-2068. • HAigis W. The Haigis formula. In: Shammas HJ, ed, Intraocular Lens Power. Calculations, 2004; 41-57.

• HAigis W. Intraocular lens calculation after refractive surgery for myopia. J Cataract Refract Surg, 2008; 34:1658-1663.

• sHAmmAs HJ, sHAmmAs mC. No-history method of intraocular lens power. calculation for cataract surgery after myopic laser in situ keratomileusis. J Cataract Refract Surg, 2007; 33:31-36.

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